Apparemment, tricoter en marchant provoque quelques réticences… Qu’à cela ne tienne ! essayons autre chose !
On entend souvent que tricoter anime dans le cerveau, les mêmes zones que la méditation et le yoga.
Effectivement, chacun(e) sera sur son zafu (coussin de méditation) comme sur son tricot: il y celles et ceux qui apaisent complètement leur esprit et sont à portée de main de l’illumination et les autres qui gigotent au point de tomber de leur coussin… De même celles/ceux qui aborde un pull irlandais comme s’il s’agissait d’une layette au point mousse et celles/ceux qui se cramponnent à leurs aiguilles comme à la barre d’un bateau pendant la tempête.
Notre phrase à méditer sera: « une maille après l’autre… »
Lorsque l’on est du genre agité, allons vers des modèles de tricot simples et abordables. Une difficulté à la fois ! Préférons des aiguilles un peu plus larges que prévu pour éviter de serrer et de crisper les épaules. Laissons divaguer librement nos pensées pendant le tricot sans s’y « accrocher », en les laissant venir… puis repartir, ayons conscience de notre respiration. Ne jugeons pas notre ouvrage en permanence et voyons chaque maille tricotée comme l’ occasion d’être pleinement satisfait(e) et chaque « erreur » comme la possibilité de s’améliorer…
Plus facile à dire qu’à faire !
J’aimerais donc vous faire part de ma conversation avec Natalia Blanch, artiste, crocheteuse et pratiquante assidue de la méditation zazen.
D’abord, j’ai demandé à Natalia quels étaient selon elle, les convergences et les divergences entre le tricot (ou le crochet) et la méditation:
« Un des points communs selon moi, est cet état ou l’on observe sa propre pensée en train de défiler. Disons que cela « ressemble » à être en zazen, au niveau de la pensée ». Quand Natalia crochète comme lorsqu’elle médite, elle observe son corps, les parties qui sont plus tendues et essaie de les relâcher. « Observer sa posture et la corriger ».
Un autre point commun est la concentration : Natalia ne crochète pas de façon « automatique », elle suit un modèle ou un schémas précis. « En zazen, on est là, esprit, corps et respiration, dans le cas contraire, on s’éloigne de la pratique. Quand je crochète, je dois rester attentive au moment présent sinon, je me trompe ».
Quelles sont alors les différences ?
« Lorsque je crochète, les pensées sont moins présentes. En méditation, c’est ce que je ressent quand il y a une unité entre le corps et l’esprit… mais je pense qu’on ne peut atteindre véritablement un état profond de méditation que lorsqu’on lâche son crochet ! ». Ici, en effet, une différence fondamentale: « A un niveau disons superficiel c’est semblable: tricoter / crocheter serait comme une porte d’entrée. Mais pour atteindre un certain niveau de méditation, il faut abandonner toute idée de but. En zazen, il n’y a aucun but ». Pas d’objectif et pas de jugement, difficilement transposable au crochet et au tricot. Mais on peut quand même « importer » le zazen dans la vie quotidienne en étant absolument présent par exemple, dans un travail manuel ou en faisant la vaisselle. C’est aussi un apprentissage au quotidien.
Un autre aspect qui peut être commun est l’importance du groupe. « C’est différent de faire zazen seul chez soi ou en groupe dans un dojo car il y a une forme de partage. Comme c’est difficile de rester 1 heure 30 ou plus sans bouger, ça donne de la force d’avoir d’autres personnes autour de soi ». Il y a une énergie de groupe, même si on ne parle pas et c’est cette énergie qui se partage. De même, dans un groupe de tricoteurs/ses, on partage une même expérience ensemble. En méditation, les autres donnent de la force par leur présence et dans un groupe de tricot, on donne aussi cette force par la présence, mais aussi les conseils, le papotage. « En quittant le dojo, je ressent un sentiment de joie qui est différent de ce que je ressent après avoir médité seule ».
Enfin, dans la pratique du zazen, il y a aussi un apprentissage de la couture. Il s’agit de coudre et broder à très petits points réguliers une pièce de tissu appelée kesa ou rakusu. « Chaque point demande une grande concentration, l’envers doit être aussi soigné que l’endroit ». Coudre cette pièce de tissu fait partie du cheminement… point après point.
Selon les sensibilités, tricoter et crocheter pourrait-être une sorte de forme méditative superficielle (mais pas dans un sens péjoratif), l’aperçu d’un état méditatif, la possibilité d’une mise à distance de nos pensées récurrentes..
Et si votre écharpe n’est pas parfaite… dites-vous que le monde ne l’est pas non plus !
Notes:
- La méditation zazen (école soto) est une forme du zen japonais. Il s’agit d’une méditation assise face à un mur. Elle est caractérisée une grande importance accordée à la justesse de la posture (alignement tête, dos, bassin, position des mains) et un certain dépouillement formel.
- Un dojo est un lieu dans lequel on pratique la méditation, un art martial,… en groupe.
- J’aurais bientôt l’occasion de vous parler du travail artistique de Natalia, actuellement boursière à TAMAT, fondation pour la tapisserie.
Lectures:
- Corps et Esprit, Dôgen
- Instructions au cuisinier zen, Dôgen
Des choses qu’on trouve sur le net (mais que je n’ai pas lues, je ne sais pas ce que ça vaut) :

Merciiii Chloé pour ce joli article! Tu nous encourage ça fait du bien! Et puis j’en apprends des choses! J’espère que ta semaine scolaire s’est bien passée 😉 ? Bisous et bon dimanche!
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Merci ! Le retour à l’école est très intense ! mais je reste zen 😉
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Ah c’est vraiment un chouette billet, merci du partage !
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Hello Chloé,
Je suis revenue plusieurs fois à ton billet tant je le trouve riche!
J’aime beaucoup la comparaison entre la méditation en groupe / le club de tricot/crochet. En général, on papote beaucoup mais même sans rien se dire, il y a un apaisement, un réconfort, qui vient du fait de pratiquer à plusieurs, je trouve. Se concentrer ensemble sur un même travail, ça dégage une « énergie » vraiment positive 🙂
Une autre réflexion que je me suis faite lors d’une nouvelle tentative de « tricot ambulant » : le manque de plaisir que j’éprouve est lié au fait de ne rien faire « bien ». Je ne profite pas de la promenade parce que j’ai les yeux rivés sur mes aiguilles / je ne suis pas réellement concentrée sur mon tricot car je checke tout le temps si je ne vais pas foncer dans un obstacle. Ce n’est pas reposant du tout! D’ailleurs, les tableaux de tricoteuses du XIXème ne montrent pas des femmes occupées à un loisir : pour la plupart il s’agit de rentabiliser leur temps en produisant un vêtement à vendre. Pas vraiment la même optique que nous…
Bref, j’en tire deux conclusions :
1. je vais me contraindre à tricoter « en pleine conscience », sans écouter la radio, regarder la télé, papoter ou « surveiller » mon fils dans son bain.
2. je vais m’enlever la pression de trouver un « objectif » pour les apéros mailles et upgrader le marketing : « tricot-zen en silence » 😉
A+!
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C’est intéressant le lien que tu fais avec les « tricoteuses »… c’est vrai qu’elles rentabilisaient leur temps, on est loin de la « ballade ». Moi aussi, je vais essayer d’être plus en pleine conscience ! Parfois je tricote devant l’ordi, en lisant des blogs et en écoutant la radio 🙂
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J ai commencé la meditation par le zazen. Je continue aujourd hui chez moi. 20 min tous les matins. Pour ma part, je m interesse depuis peu à la philosophie antique et je trouve beaucoup de points de ressemblances. Je suis en train d organiser un café tricot en bourgogne et je suis sensible a ton propos sur l energie « ensemble ». Merci pour ce bel article.
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Bonjour ! effectivement, il y a beaucoup de points communs entre le zazen et d’autres types de pensées ou de philosophies… même de différentes époques, comme si quelque chose d’essentiel « passait ». Souvent, on va naturellement vers ce qui est bon pour nous… méditation, tricot,… puis on trouve cette énergie dont on a besoin, à travers les autres ! Donne nous des nouvelles du café-tricot 🙂
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Très intéressant et riche article – merci ! amicalement – france 🙂
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