Avant toute chose, merci pour vos réactions à cet article… Ca bouillonne dans ma tête! Deuxième billet en cours de rédaction… je vous le promets pour « bientôt » ;-).
Mais avant, j’avais envie de partager nos impressions de l’expo de Joana Vasconcelos actuellement visible à Bruxelles. Pligou et moi, on y est allées, on a aimé, on vous raconte!
Artisanat, sculpture monumentale et féminisme
Joana Vasconcelos est une figure majeure de l’art contemporain. Née en 1971 à Paris, elle a développé son œuvre au Portugal et est devenue une des rares femmes à faire de la sculpture monumentale, dans la lignée de Louise Bourgeois. Elle a « explosé » sur la scène artistique internationale au début des années 2000, notamment en exposant à la biennale de Venise de 2005 et à Versailles en 2012. « De fil(s) en aiguilles », sa première expo en Belgique, rassemble des œuvres créées pour l’occasion et des pièces plus anciennes. Le tout reprend des thèmes et dispositifs récurrents de son œuvre : la dé-contextualisation d’objets du quotidien, l’utilisation du patrimoine traditionnel ( faïence, azulejo et surtout, surtout, les arts du fil : broderie, crochet, dentelle, tricot, ….), la réflexion sur le masculin/le féminin, le domestique/le politique, l’intérieur/l’extérieur.
Valkyries, azulejos et rose Barbie
En arrivant à la Patinoire Royale, on pénètre dans une salle immense et on se sent comme Alice au pays des merveilles – ou, en l’occurrence, au pays des Valkiries! La première pièce, « Material Girl », est monumentale (23 m de long et 300 kilos!), tout en nuances de roses : rose pâle, rose vif, rose indien, violet, rose bonbon, …. J’y vois d’abord un genre de créature marine, comme une baleine suspendue au plafond à la façon des squelettes dans les musées des sciences naturelles. C’est impressionnant mais pas intimidant, tellement c’est joyeux, coloré, chatoyant! Une toute petite fille, vacillant sur ses deux jambes et tout sourire, essaie d’attraper un des « bras » de la créature, de s’y balancer… et on ferait bien comme elle!

Outre le gigantisme, je suis fascinée par la diversité de points, de matières, de couleurs, … et le côté « girly », un peu kitsch, totalement assumé : il y a des perles nacrées, des pierreries (en plastoc?) , des loupiottes, des guirlandes de pompons… tout ce qui me fait envie dans les magasins de loisirs créatifs mais que je ne saurais comment utiliser ;-).
Une deuxième Valkyrie, dans les tons de bleu et jaune, est composée à partir de pièces d’une collection Marina Rinaldi. Elle est (un peu) plus petite mais tout aussi exubérante, énergique, pleine de fantaisie. Cette débauche de matières et de couleurs qui pique un peu les yeux me fait penser aux temples hindous avec leurs ombrelles décorées et leurs offrandes. Comme sa « grande sœur », elle représente une invitation irrésistible à la fête et à la sensualité.
Au bout de la plus grande salle, on devine deux autres pièces tout aussi attirantes : « Petit gâteau », un cupcake géant composé de moules en plastique multicolores, et « Cottonpolis », une sorte de pieuvre de crochet multicolore qui recouvre une structure d’azulejos. A mes yeux, cette œuvre fascinante évoque des bras de liane sur un temple en ruine.
S’il y a un côté universel dans ces pièces, on y retrouve de nombreux éléments du folklore et du patrimoine artisanal portugais : le cœur, le coq, les azulejos, la céramique et les travaux d’aiguille bien sûr – broderie, guipure, crochet et tricot! Dans une vidéo très belle, on peut d’ailleurs voir 5 tricoteuses de l’équipe de Joana au travail, dans différents endroits, avec leur fil sur l’épaule.

« Crochet paintings » et bestiaire déguisé
En descendant l’escalier, on découvre une deuxième série d’œuvres et une autre thématique : les « crochet paintings », des sculptures murales présentées sur des cadres anciens ou des miroirs. A la fois pop et baroques, ces compositions en volume sont troublantes par le questionnement qu’elles induisent sur les frontières de l’art (c’est quoi la peinture? la sculpture? le figuratif et l’abstrait? … ) et par la façon dont elles jouent de nous, qui « entrons » dans les œuvres par notre reflet dans les miroirs. Difficile d’ailleurs de photographier certaines d’entre elles en échappant au selfie…
Viennent ensuite les céramiques de Bordalo, recouvertes de crochet aussi fin que de la dentelle. Protection? Prison? J’y vois plutôt comme un révélateur de leur beauté, de leur majesté. Et les yeux qui dépassent rendent ce bestiaire étrangement présent à nous. J’ai aussi aimé le décalage entre ces curieux animaux et les titres des œuvres, qui sont autant de référence à Bruxelles, leur lieu d’accueil : les grenouilles « Brel » et « Flandre », le cheval « Magritte », le chat « Simenon »… Il y a aussi un lézard nommé « Maestro »… éventuel hommage à Stromae ?
Salle d’eau rêvée
La dernière partie de l’expo rassemble des installations sanitaires détournées : un urinoir, des lavabos, des pommeaux de douche, … d’où jaillissent des fontaines de mailles. Pour citer Maître Pligou : « c’est aquatique et non aquatique » ;-). C’est en tout cas très sensuel et organique : on a l’impression que le crochet et les perles se déversent littéralement des robinets, on a presque envie de se précipiter pour en récolter des morceaux avant qu’ils ne disparaissent dans la bonde de la douche.
Ce qu’on a aimé :
- l’hommage au patrimoine artisanal portugais
- l’utilisation de travaux d’aiguilles, traditionnellement vus comme « modestes », pour réaliser des ouvrages monumentaux
- la féminité puissante qui se dégage des Valkyries
- la dimension collective des créations
- le côté sensuel et joyeux.
Bref… allez-y ! (non non, on ne vous a pas tout montré 😉 …)
Notes
- Toutes les photos sont de (c) Pligou
- L’expo :
- Jusqu’au 25 mars à la Patinoire Royale (Bruxelles, Louise/Châtelain), gratuit, ouvert du mardi au samedi. Et c’est gratuit! Infos : www.lapatinoireroyale.com
- J’organise une visite en groupe le samedi 25 février avec quelques copains/copines de nos « apéro-mailles ». Si vous avez envie de vous joindre à nous, faites moi signe :-).
- Pour voir ça en mouvement : une vidéo à voir ici
- Sur Joana Vasconcelos :
- Les Valkyries sont des divinités nordiques sui survolent les champs de bataille et ressuscitent les guerriers les plus valeureux pour les mettre au service d’Odin.
- Rafael Bordalo Pinheiro, Lisbonne 1846-1905 : « (…) est reconnu comme l’un des artistes portugais les plus influents et reconnus du XIXème siècle. Bordalo Pinheiro, attentif observateur et admirateur de la nature, reproduisit au travers de céramiques colorées, en harmonie avec le réalisme de la moulure, un large panel de motifs de la faune et de la flore portugaise ». (extrait du catalogue de l’exposition)
- Sur le tricot « à la portugaise » : le livre de Rosa Pomar déjà cité ici
- Sur Louise Bourgeois, que j’adore : une émission de radio
Moi je te fais signe hahahahahah!!! Rho oui je serai là cela me donne envie même si honnêtement je ne me suis pas attardée sur les photos car je veux être étonnée et surprise par cette oeuvre! Merci pour tout ma belle, je t’embrasse!
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My pleasure 😉
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merci pour ce bel article ! Moi j’ai regardé les photos, une petite bulle d’oxygène dans le travail 🙂 je vais essayer de me joindre à vous pour la visite du 25, cela dépendra de l’heure de sortie de mon dernier lecteur !!! je vous rejoins sur les lieux de la débauche de mailles et de couleur ! en attendant, que les aiguilles chauffent !!!
Bizzz, Fred
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Merci pour ton message, Frédérike :-)!
Rdvs à 15h le 25 si tu peux!
Belle semaine à toi!
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