Dans notre exploration du tricot masculin, nous avons rencontré des artistes et des stylistes : Stephen West , Dave Cole , Jared Flood , Jim Drain entre autres. Néanmoins, la maille est aussi liée à quelques figures éminemment masculines de notre culture occidentale. Petit aperçu :
1. Le berger
Rendons-leur hommage car c’est aux bergers (et aux bergères quand même !!!) que l’on doit notre matière première. C’est l’un des métiers les plus anciens (dans la bible, Abel est berger et son frère Caïn est paysan) et la production de laine fut même à certaines époques plus rentable que l’agriculture. Au Danemark, par exemple, dans de nombreuses communes rurales, on trouvait des veillées de tricoteurs qui fabriquaient des chaussettes afin de gagner l’argent qui servirait à payer leurs taxes.
Parmi tous les bergers, les plus remarquables sont sans aucun doute les « bergers landais » qui filaient et tricotaient durant les longues heures passées aux côtés de leurs moutons… perchés sur des échasses ! Qui dit mieux ?
Et comme me l’a suggéré Séverine, rappelons que le gilet de berger au point mousse est devenu le MUST HAVE de la garde robe enfantine ! On en trouve un exemple sur le blog de Marcel et Olaf : http://marcel-et-olaf.blogspot.be/search/label/Phildar (Et le reste du blog vaut le coup d’oeil !)

2. Le marin

Un peu partout, les pêcheurs réparent leurs filets (ce n’est pas proprement dit du tricot… mais il y a un lien, on en reparlera un jour). Dans certaines régions d’Angleterre par exemple, ils tricotaient leurs pulls ! C’est aussi autour de la figure du marin, que se sont développée des techniques traditionnelles qui font maintenant partie du patrimoine culturel.
D’abord, un petit mot sur l’importance de la pure laine chez le marin ou le pêcheur : premièrement, c’est une matière qui tient chaud mais aussi qui dégage de la chaleur, ce qui lui permet de fixer l’humidité (jusqu’à 30 % de son poids sans paraître humide au toucher). La laine que l’on utilise brute, non traitée, contient de la lanoline (ou « graisse de laine ») qui la rend imperméable. C’est aussi une matière qui s’adapte à tous les climats : un mouton peut supporter sans mal des températures élevées car sa toison agit comme une sorte d’isolant. Et enfin, même très mouillée, la laine permet encore à la peau de respirer. Pas mal non ? Alors oui, parfois, ça gratte… mais bon, on ne peut pas tout avoir.
On trouve des pulls marins dans beaucoup de régions du monde. En voici trois :
Les îles d’Aran

Le « vrai » pull irlandais ou pull « Aran » (des îles d’Aran, à l’extrême ouest de l’Irlande) est LE PULL par excellence ! Chaud et épais, il était utilisé par les pêcheurs pour se protéger du froid et de l’humidité lors des sorties en mer. Chaque point ayant une signification, on raconte qu’ils servaient à identifier les corps des pêcheurs échoués sur les plages après un naufrage, chaque famille ayant son propre agencement de motifs.
On trouve des modèles de pulls irlandais par milliers, déclinés à toute les sauces, toutes les couleurs, toutes les audaces. Pour le réaliser, il est recommandé d’utiliser une laine 100% mouton qui « tient » bien… et vu le travail que ça représente, autant choisir une couleur dont on ne va pas se lasser.

Guernesey et Jersey
C’est dans ces îles de la Manche que l’on trouve les célèbres « gansey sweaters » ou « gansey » (ainsi que de très beaux paysages marins et de nombreux coffres-fort… mais ça, c’est une autre histoire). Aussi bleu que le pull irlandais est écru, le gansey se tricote en rond avec des goussets sous les bras, suivant une construction très élaborée. On le tricote très serré avec ça : guernseywool. On trouve aussi des « gansey » traditionnels en Hollande… les marins, ça voyage !
Des détails sur la construction d’un pull gansey :
- en anglais : fancytigercrafts.com
- en français : tricofolk.info (site très intéressant qui passe en revue plusieurs méthodes de tricot traditionnelles: Irlande, Andes, Scandinavie,…)
Et ça tombe bien, il y a une collection « gansey » mis au goût du jour chez brooklyntweed et un modèle gratuit chez rowan !
Póvoa de Varzim
Dans le nord du Portugal, on tricote depuis toujours des pulls de pêcheurs blancs avec des broderies traditionnelles rouges et noires, aux motifs complexes. Ces pulls ont longtemps été brodés par de vieux pêcheurs à la retraite, avant que les mères et fiancées ne prennent le relai. Oubliées un temps, ces techniques ont été sorties de l’oubli dans les années 1930. Plus de détails ici : feelingstitchy.com. Parmi les symboles brodés, on trouve une sorte d’écriture ancestrale appelée « siglas poveiras ». Ce sont des signes qui étaient peints sur les bateaux et les abris de plage, à une époque ou de nombreux pêcheurs ne connaissaient pas l’alphabet latin. Ces sortes de « signatures » étaient transmises de père en fils… il y a un article ici sur wikipédia, c’est fascinant!
Le lien entre la mer et la laine prend parfois des chemins inattendus… j’ai lu quelque part que le Portugal avait fait construire une partie de sa flotte navale (du temps des grandes expéditions maritimes) avec les bénéfices tirés de la vente de laine mérinos… On trouve des infos (et une idée de voyage peut-être) sur le mérinos portugais ici (en français).
Et sur le tricot au Portugal, le fantastique bouquin de Rosa Pomar : https://retrosaria.rosapomar.com/products/malhas-portuguesas Si vous passez par Lisbonne, faites un tour dans sa boutique !
A suivre bientôt, deux autres archétypes très très mâles : le soldat et le détenu…
Et le truc génial avec les Guernsey pullovers, c’est que les manches sont faites de manière à pouvoir être détricotées en cas de trou (juste après les motifs, généralement avant le coude) ! Merci pour cette série de billets super intéressante !
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Génial! Je reconnais là le côté pragmatique des britanniques ;-).
Merci pour tes contributions pertinentes 🙂
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